La Confédération Paysanne a une place assez spéciale dans l’agribashing:

Tout en étant largement portée par des agriculteurs (elle obtient entre 15 et 20% des suffrages aux élections des chambres d’agriculture, en faisant le second syndicat agricole), elle est menée par une des grandes figures de l’agribashing : José Bové.

Il a encore démontré récemment son adhésion à l’agribashing à la sortie d’un rapport sénatorial évoquant, entre autre, le glyphosate.

Le rapport

Ce rapport rappelait notamment que de nombreuses agences sanitaires, dont la FAO et l’OMS, ont estimé que le glyphosate n’était pas cancérigène.

Une partie des avis.

Notez que ce n’était pas le point central du rapport, qui portait sur l’ « Evaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences » et critique les pratiques de Monsanto (p.77 et s.; 123 et s.) et rapportent les critiques formulées par Foucard et Horel (p.96).

Les réactions des leaders de la confédération paysanne

Les commentaires de José Bové sont clairs:

https://twitter.com/josebove/status/1127640163885232134?
  • « Cela fait partie des éléments de langage sortis régulièrement pour essayer de discréditer tous les rapports scientifiques » (FranceInter)
  • « Les parlementaires ont repris le discours prémâché de Monsanto et la façon dont ils analysent les études scientifiques »; « Il juge que c’est très clairement la logique des lobbies qui est à l’oeuvre. « Il serait intéressant d’aller plus loin pour savoir si les parlementaires ont été approchés », interroge le député européen. « Une fois de plus on a un enfumage XXL signé Monsanto«  RTL
  • « Sollicité par La Dépêche du midi, le député européen José Bové dénonce ce rapport, qualifiant le travail des sénateurs concernés « de révisionnisme environnemental. Quand certaines personnes affirment que le glyphosate n’est pas dangereux, c’est comme celles qui prétendent que le réchauffement climatique est un fantasme. Ce discours ne tient pas la route. »«  Ouest-France

Ainsi, on voit:

  • du complotisme très violent, puisqu’il concernerait le Sénat (et en creux toutes les agences sanitaires qu’il reprend)
  • un mensonge éhonté (la science affirmerait que le glyphosate serait cancérigène)
  • la « prise en otage » de tout ce qu’on admet globalement en accusant de révisionniste un fait avéré. Non seulement c’est un mensonge, mais en plus cela laisse entendre que tout ce qu’on admet savoir (ex : la Terre est à peu près ronde) pourrait être faux. Bref, du pain béni pour les platistes et autres complotistes.

L’économie de la dénonciation en action

A chaque fois que j’entend José Bové parler, je me souviens qu’un député européen gagne 6.962,95€ net par mois (!!!), plus plusieurs milliers d’euros d’indemnités (si j’ai bien compris : 4503€/mois pour les frais de voyage PLUS une « indemnité de séjour » de 323€/jour en séance PLUS une indemnité forfaitaire de frais généraux de 4563€/mois).

D’agriculteur (revenu moyen 1 390€) à député européen, c’est une belle augmentation, non ?

De là à penser qu’il mente / diffuse des idéaux complotistes, etc. pour être réélu et maintenir son statut social … Faut-il beaucoup d’imagination?

Notez que, comme toujours quand je souligne ce genre de choses, il ne s’agit pas de dire que « tous les députés sont pourris / intéressés, etc. », mais que lorsque l’un d’eux montre aussi peu d’égards pour la qualité de son travail en faisant dans la démagogie pure, on doit se poser des questions.

Autres observations

L’article de France Inter est assez scandaleux (ce qui n’est du reste pas rare):

  • Il écrit « Ce constat a fait bondir les détracteurs de cet herbicide, déjà classé comme « cancérigène probable » par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 2015). », alors qu’il s’agit du CIRC (qui a vocation à attirer l’attention des scientifiques sur un risque potentiel. Les scientifiques ont tranché : il n’y en a pas/n’est pas signifiant).
  • Il ne rapporte les réactions que d’agribashistes notoires (José Bové, Cédric Villani, François Veillerette).
  • Il reprend les propos de Veillerette comme s’il s’agissait de ceux d’un grand scientifique qui serait plus au fait des choses que les sénateurs et les scientifiques : « François Veillerette, le co-fondateur et porte-parole de l’ONG Générations Futures, interrogé sur France Info, a dénoncé une « contre-vérité, d’une énormité colossale au niveau scientifique », et explique que plusieurs études scientifiques montrent déjà les risques du glyphosate grâce à des tests sur des rats et des souris.  « Il y a un certain nombre de cancers qui sont pointés, qui touchent les reins, le sang […] C’est plus fréquent chez les animaux qui sont les plus exposés à l’herbicide ». Il précise enfin que cette étude a même « été intégrée dans le rapport d’évaluation au niveau européen ».  »

Cette citation de José Bové interroge sur le plan linguistique : « Ce n’est pas la première fois que cet office du Parlement défend des positions qui vont à l’encontre des faits scientifiques avérés ». Le Sénat est une partie du Parlement. Pourquoi utiliser le terme « office » ? Cela m’évoque une connotation un peu complotiste, comme parler d’une institution « godillot » qui ferait simplement courroie de transmission.

On peut se demander si une analyse linguistique de ces discours complotistes et de leur vocabulaire spécifique ne permettrait pas de les repérer.

Joel Labbé, sénateur écologiste du Morbihan a aussi des commentaires extrêmes :

« Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan, tombe des nues, ignorant totalement la publication imminente de ce rapport sénatorial. « Je n’en ai eu aucun écho. Par hasard, il arrive juste après la révélation des personnes fichées par Monsanto. C’est grave. Cela montre combien le lobby glyphosate est encore très puissant au Parlement. Et nous savons pertinemment que des scientifiques roulent pour le lobby. »

Joël Labbé compte s’adresser rapidement au président du Sénat, Gérard Larcher, afin de lui demander la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur le fichage opéré par Monsanto. »

Ouest-France